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domenica 3 novembre 2013

> da Riccardo Petrella: C'era una volta il cielo e la terra


Pubblichiamo l'articolo di Riccardo Petrella apparso sul giornale on line RTBF.BE lunedì 15 aprile 2013 con la promessa che sarà al più presto tradotto in lingua italiana.

L'eau est un bien commun et doit le rester. C'est le credo de Riccardo Petrella, économiste critique, qui constate que ce n'est pas ce point de vue qui anime la Commission européenne quand elle définit sa politique de l'eau


La technocratie européenne et l’eau
Jadis, nous avons cru que le ciel était le lieu où les nuages se formaient et, ensuite, la pluie tombait sur la Terre où elle devenait source de vie et d’où, par évaporation, elle remontait au ciel pour retomber de nouveau sur notre planète. Ainsi le cycle de l’eau alimentait le cycle de la vie sur la Terre. Nous avons aussi cru que la Terre était " le lieu de la vie " - l’oikos, en grec - où se trouvaient les " sources de vie" (les eaux, les forêts, le monde végétal et animal ….). Nous avons pensé que l’eau était un don de la nature, essentiel et insubstituable pour la vie et, donc, un bien commun, social, collectif auquel tout être humain avait droit d’accès, en raison du simple fait d’exister.

Dans cette vision, nous étions convaincus, comme le sont encore aujourd’hui les peuples amérindiens et autres populations indigènes du monde, que la Terre était notre " Pachamama " (la Mère Terre) et qu’elle était patrimoine commun de tous ses habitants, un patrimoine inaliénable, public. Certes, au fil des siècles, nous sommes parvenus à considérer que chaque peuple, chaque État, avait un droit de propriété et de souveraineté sur la terre dans le but de garantir le droit à la sécurité d’existence de ses citoyens, mais dans le cadre, toutefois, du respect mutuel des droits de chaque peuple et de tout être humain à la sécurité, et d’une coopération internationale bien définie dans l’intérêt de l’humanité et de la vie sur terre. Les pratiques de puissance et de domination à l’origine de tant de guerres et de dévastations jusqu’à nos jours n’ont rien enlevé de vrai aux conceptions du ciel et de la terre ci-dessus décrites.

Eh bien, au cours des 40 dernières années au moins, les classes dirigeantes des pays du " Nord ", parmi lesquelles figurent les grands groupes multinationaux européens privés de l’eau, ont envoyé aux orties ces conceptions du ciel et de la terre. Pourquoi l’ont-elles fait, comment ont-elles pu le faire ? De l’avis de nombreux analystes, c’est parce que leur vision de la vie est devenue de plus en plus techno-productiviste et financière marchande. En particulier, la " technocratie européenne " des 30 dernières années, publique et privée, composée par des " représentants " des pouvoirs forts de l’agro-business, de l’industrie énergétique, du monde universitaire et des services , des entreprises de production, du commerce et de la finance globalisée, a joué un rôle fondamental sinon prédominant dans ce changement de perspectives.

Prenons l’exemple du " Plan de sauvegarde des ressources hydriques européens " publié le 14 novembre 2012 par la Commission européenne. Il s’agit du document politique le plus important produit par l’exécutif européen dans le domaine de l’eau après l’adoption par l’UE de la Directive Cadre Européenne sur l’eau de l’an 2000. Si approuvé, le " Plan " est destiné à orienter la politique européenne de l’eau jusqu’en 2030. Les changements principaux concernent l’idéologie de l’eau et le rôle de " l’eau technologique ".

La " nouvelle " idéologie de l’eau : les trois principes fondateurs
Premier principe : selon le " Plan ", l’eau est " une ressource vitale pour les êtres humains, la nature et l’économie ". Le " Plan " ne donne aucune autre définition de l’eau. Il ne fait aucune référence à d’autres concepts tels que l’eau bien social, bien commun, patrimoine de la vie, héritage de l’humanité, bien public. Le mot clé est " ressource ", surtout pour l’économie. L’eau est traitée au même titre que le pétrole, le fer, l’uranium, les semences, le sol. Le postulat à la base de ce choix est que, d’après la Commission européenne, il n’y a pas de bonne santé pour les êtres humains, ni de bon état écologique de l’eau, si l’eau n’est pas gérée efficacement sur le plan économique. D’autant plus que le " Plan " a adopté la thèse sur l’inévitabilité de la raréfaction croissante de l’eau. Par conséquent, la politique de l’eau consiste essentiellement, pour la Commission européenne, en une politique de gestion efficace d’une ressource rare.

Deuxième principe : pour gérer l’eau de manière efficiente, il faut, selon le " Plan " un système de prix fondé sur la valeur économique, monétaire, de l’eau et de l’ensemble des éléments environnementaux s’y rapportant. Jusqu’à présent on a monétisé les services hydriques? Maintenant on veut monétiser l’eau elle-même. Attention. Dans ce cadre de croyances, les coûts de l’eau doivent être récupérés par l’investisseur de manière à ce que le taux de profit net soit suffisamment attrayant pour inciter les détenteurs de capitaux à investir dans le domaine de l’eau. Sans cela – dit-on - les capitaux privés négligeraient l’eau et n’investiraient dans l’innovation technologique dans le domaine de l’eau. Or, la " technocratie européenne " a misé sur l’innovation technologique pour en faire le moteur principal de la réalisation des objectifs du " Plan " en approuvant à cette fin le " Programme européen pour le Partenariat de l’innovation dans le domaine de l’eau ", le 12 décembre 2012, un mois après la publication du " Plan ".

Enfin, troisième principe : le " Plan " estime qu’il est impossible de concevoir et réaliser une politique efficiente de la ressource eau en Europe sans une forte implication des " porteurs d’intérêt " (" stakeholders "), auxquels revient, dans le cadre du marché unique européen, de décider de l’allocation des ressources hydriques, en fonction des coûts et des bénéfices des différents usages concurrents et alternatifs. Le " Plan " fait systématiquement référence au rôle et importance des " stakeholders " pour la gestion efficiente de l’eau. Par contre, il ne mentionne jamais le mot " citoyens ". De même, le " Plan " parle sans cesse de marché, mais jamais de ville, alors que la ville est l’espace social construit central de l’organisation des sociétés à travers le territoire et, en tant que tel, l’espace déterminant pour la politique et la gestion de l’eau. Deux autres paroles clé se font remarquer par leur absence du dictionnaire du " Plan " : droit humain à l’eau et démocratie. Etonnant ?

L’eau " technologique " " au secours " de l’eau " naturelle "
On vient de le voir, le "Plan " accorde également une place centrale à l’innovation technologique. La " technologie salvatrice " est censée donner ses bienfaits surtout dans trois directions : l’augmentation de la productivité hydrique : produire les mêmes biens et services, voire plus, avec moins d’eau (" more crops per water drop ") ; l’augmentation de l’offre d’eau par le traitement et le recyclage des eaux usées ; et, surtout, l'augmentation de l’offre par le dessalement de l’eau de mer. Dans les trois cas, l’eau cesse d’être un bien/produit de la nature pour devenir un produit industriel (artificiel) comme tout autre produit fruit du génie industriel humain. Rien de quoi, en soi, être inquiets, si ce n’était que l’eau " technologique " est conçue, réalisée et gérée principalement par des sujets économiques privés et soumise aux logiques des intérêts privés. Dès lors, le producteur privé a tout le droit de demander le paiement d’un prix pour avoir accès à l’eau " qu’il a fabriquée ". Ce dont, d’ailleurs tout bruxellois, comme tout moscovite, ou habitant des collines de la Birmanie, des favelas de Rio de Janeiro ou paysan du Kerala en Inde, a déjà été convaincu. Pourtant, l’accès à l’eau potable et à l’assainissement a été reconnu par l’AG des Nations Unies le 28 juillet 2010 comme un droit humain universel. Rien à faire, les citoyens continuent à être obligés de payer l’eau car nos dominants ont imposé le principe que les coûts économiques monétaires des droits humains doivent être pris en charge directement et individuellement par les bénéficiaires. La monétisation marchande des droits humains et sociaux constitue une régression considérable inacceptable de notre " civilisation " par rapport aux grandes avancées sociales qu’ont été l’Etat de droits et des biens communs et l’Etat de la sécurité sociale collective. Apparemment, la " technocratie européenne " n’en fait pas un problème. Le don du ciel est laissé aux vieillies " imaginaires mythiques ". Quant à la Terre, les résultats du Troisième Sommet Mondial de la Terre, dit " Rio+20 " de 2012, l’ont confirmé : pour les groupes dominants la Terre n’est plus l’oikos des tous ses habitants, mais une " ressource vitale" pour la croissance économique – depuis quelques années dite " verte " - au service, en Europe, de l’impératif stratégique de l’UE 2020 à savoir " A Resource Efficient Europe ". Dans ce cadre, l’objectif " Water Efficient Europe " donne son sens véritable au " Plan de sauvegarde des ressources hydriques européennes ". Il est temps de remettre le ciel et la terre et surtout la vie à la place qui est la leur. Il faut libérer l’eau et la nature (la vie et les relations humaines) de la prison dans laquelle leur monétisation les a enfermées et re-publiciser les biens et les services essentiels et insubstituables pour la vie.

Riccardo Petrella, Président de l’Institut européen de recherche sur la politique de l'eau

Économiste et politologue, Riccardo Petrella est considéré comme un des penseurs de l’altermondialisme Il a fondé en 91 le groupe de Lisbonne, qui réfléchit de manière critique sur les formes de la mondialisation. Depuis des années, il se bat pour le droit à l’accès à l’eau. Son dernier ouvrage : " Pour une nouvelles narration du monde ", (Ecosociété 2007) est une critique du fonctionnement de la société capitaliste actuelle.

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